En moyenne c’est 525Kg de déchets ménagers par an et par habitant qui finissent incinérés ou enfouis, polluants ainsi l’atmosphère ou les sols. Parmi ceux-ci, plus d’un tiers est constitué de biodéchets. Les Cycloposteurs proposent alors une solution permettant de les valoriser en les transformant en matière première : le compost. Compost qui ira ensuite aux habitants ou aux agriculteurs locaux…Et tout ça, à vélo. Une roue bien vertueuse !
Chez UPVA, nous avons eu la chance de croiser la piste (cyclable) de Julien Lebrize, qui, entre ses deux boulots, l’un à La Poste, à temps plein et l’autre, chez Les Cycloposteurs, a pris le temps de répondre à nos questions. Une rencontre inspirante et énergisante pour nous, nous offrant ainsi un aperçu d’un futur régénérateur où nos biodéchets deviennent ressources et sont utiles localement. Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à la découvrir, que nous en avons eu, à la réaliser.
Tout commence en juillet 2020 lorsqu’ Anne Bignolas, Julien Lebrize et Cédric Blum créent les Cycloposteurs. Un trio passionné de vélo et…de bioressources.
L’idée ? Proposer un système de valorisation des biodéchets avec une collecte en vélo cargo sur la métropole Orléanaise.
A l’origine, Julien et Cédric ont travaillé ensemble il y a une quinzaine d’années auprès d’un public de jeunes enfants. Les autres leur importent. Quelques années plus tard, ils se recroisent et deux points communs émergent : Leur intérêt pour le vélo et une quête de sens. Ils s’intéressent au marché et partent à la rencontre d’acteurs pionniers dans ce domaine : Les Alchimistes à Paris, la Tricyclerie à Nantes,…et sur Orléans, ils constatent qu’il existe finalement peu d’offres. Quelques acteurs sur la livraison à vélo, mais rien sur la partie biodéchets/ environnement. L’idée naît. Ils partent à la rencontre du service biodéchets de la Métropole, qui les met immédiatement en relation avec Anne Bignolas. La magie opère.
Leur objectif ? Mettre en place un cercle vertueux entre les particuliers (ou les entreprises), et les agriculteurs (ou maraîchers locaux) à bicyclette !
A date, Les Cycloposteurs sont encore une association mais leur objectif est d’évoluer en SCOP, soit une société coopérative, très bientôt.
Si une saison devait décrire votre état en ce moment, vous seriez plutôt ? Printemps/ Eté/ Automne/ Hiver ?
Le printemps ! La quarantaine approchante, un questionnement personnel qui dure depuis quelques années… Les choses vont bien mais rien n’est acquis. Le printemps est cette période de transition où il faut être très vigilant car la nature peut être capricieuse. J’espère basculer sur l’été d’ici quelques années.
Et Les Cycloposteurs ? Pourquoi ?
Au printemps également ! Je vois le projet de Les Cycloposteurs sortant de l’hiver après des moments difficiles. Il y en aura surement d’autres, c’est aussi ça l’apprentissage, mais aujourd’hui, nous arrivons au printemps. De belles choses se mettent en place avec certaines mairies ou encore la mise en place de notre première borne d’apport pour les particuliers. Des graines ont germé et ces jeunes pousses sont encore très fragiles. Nous devons rester vigilants et les aider à pousser mais, j’espère que très bientôt nous serons prêts à rayonner sur la Métropole.
Pouvez-vous dessiner ou sketchnoter le principe ou pitch de Les Cycloposteurs ? Il paraît qu’un dessin vaut 1000 mots, profitons-en.

Merci à Anne Bignolas qui s’est prêtée à l’exercice. Une illustration très claire pour comprendre :
– Les trois étapes clés de Les Cycloposteurs : la collecte des biodéchets, leur valorisation en compost et la livraison, toujours réalisées en vélo,
– Quel.le.s acteurs ou actrices concerné.e.s par cette solution quelle que soit l’étape,
– La mise en place d’un cercle vertueux entre les différents acteurs du territoire.
Un bel exemple d’économie circulaire.
Pouvez-vous nous parler de vos premiers pas en tant qu'entrepreneur ?
Ce n’était pas simple et ça ne l’est toujours pas.
Avec Cédric, nous étions sur le projet depuis un an et demi et nous avons choisi de nous rapprocher de l’URSCOP– L’Union Régionale des SCOP & SCIC -. Nous avons ensuite eu la chance de pouvoir rapidement candidater à L’Alter’Incub. Au contact des intervenant.e.s et autres porteurs de projets, nous avons muri notre projet pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui.
Être entrepreneur.e demande de l’organisation dans la gestion quotidienne. Chaque jour, je vis ce projet. Je mesure de petites réussites, c’est encourageant.
Il m’arrive bien sûr de douter, de penser que je n’arriverai jamais à tout mener de front et en même temps sans ce projet, j’aurai probablement craqué car quelque chose me manquait.
Mon travail allié à ce projet m’offrent un équilibre.
Vous avez choisi d'intégrer une dimension durable dans votre activité, pouvez-vous nous dire pour quelles raisons ? Quel a été votre déclencheur...s'il y en a eu un, sinon ce qui vous a motivé.
Le cheminement des uns et des autres est différent. Anne a un cursus plus dans l’écologie. Elle travaille dans la biodiversité, c’est notre guide composteur.
Cédric a eu une prise de conscience plus tôt en travaillant avec les jeunes. Quant à moi, c’est arrivé sur le tard.
Mes filles grandissent et la quarantaine approchante ça devient plus présent même si j’ai toujours été plus ou moins attentif à l’environnement. La prise de conscience vient plus du vélo en réalité. Je préfère le faire en vélo plutôt qu’en voiture, c’est mieux. Je suis passé au vélo électrique dernièrement, c’est utile quand on transporte des bioressources car c’est assez lourd.
Avec Les Cycloposteurs, nous souhaitons faire évoluer les mentalités sur les bioressources et le compostage. C’est vraiment petit à petit.
Heureusement, j’ai l’impression que la nouvelle génération est déjà plus sensible à ce sujet.
Quels ont été vos "premiers pas verts" ?
Nous c’est plutôt un « premier coup de pédale » donc le vélo, et c’était il y a longtemps déjà. Ensuite, Anne a apporté cette connaissance du compost. Grâce à elle, mon intérêt sur ce sujet grandit en même temps que le projet avance.
Le vélo est au cœur de Les Cycloposteurs avec la collecte et la livraison. On nous a posé la question « Et en voiture électrique ? » Non. La mobilité douce avec le vélo c’est notre base. Ce n’est pas toujours facile comme choix. Je pense par exemple lorsqu’il a fallu livrer la borne d’apport volontaire. Nous l’avons livré à vélo, ce n’était pas simple mais nous avons bien rigolé.
Ensuite, nous travaillons la récup’ et le réemploi. Citons par exemple les seaux mis à disposition pour la borne. Ils viennent du fromager sur le marché. La borne est faite maison en palettes. Nous essayons d’être cohérents dans notre démarche globale.

Pouvez-vous nous partager quelques difficultés rencontrées ? Et comment vous les avez surmontées ?
Nous sommes trois. C’est enrichissant mais pas toujours simple à gérer. Nous devons faire des compromis, des concessions mais quand un.e fatigue, nous nous reboostons. Finalement, ce projet est indissociable de nous 3, nous sommes 3 piliers…ou plutôt un vélo à 3 roues, un triporteur. Nous nous sommes bien trouvés. Nous sommes une belle équipe.
Ensuite, le déchet, ce n’est pas très glamour ni vendeur donc nous parlons plutôt de bioressources même si finalement c’est la même chose. Imaginer gagner sa vie avec les déchets des autres est un sacré défi auquel nous croyons.
Une autre difficulté, de mon côté, c’est d’avoir toujours eu le statut de salarié. Cette fois, je suis mon propre patron donc si ça ne marche pas, j’ai ma responsabilité. Ceci m’apprend aussi à voir le milieu professionnel différemment et à être moins critique.
Enfin, le côté couteau-suisse de l’entrepreneur est parfois un peu compliqué. J’ai proposé d’aider sur la partie comptabilité, mais ce n’est pas forcément le plus intéressant. L’idée c’est d’identifier nos forces et nos faiblesses pour pouvoir tout gérer et profiter de la diversité de nos réseaux.
Nous apprenons beaucoup grâce à ce projet. Je n’ai pas envie de voir des difficultés, plutôt des étapes, des moments difficiles. Chaque jour nous devenons plus fort, nous progressons. Heureusement que tout n’est pas toujours linéaire.
Avez-vous été soutenu(e) ou accompagné(e) ?
Nous avons eu la chance de faire partie de la 3ème session d’accompagnement de l’Alter’Incub avec l’URSCOP et de bénéficier d’ un cursus de formation plutôt intense et complet sur 4 mois : marketing, communication, juridique,… Et heureusement ! Aujourd’hui Anne & Marie, de l’URSCOP, nous accompagnent encore et nous challengent. Il nous arrive d’être juges et partis donc c’est bien d’avoir un regard extérieur sur le projet sans l’affect.
Un des avantages de l’URSCOP et de l’AlterIncub est de pourvoir rencontrer d’autres acteur.trice.s du même domaine avec des problématiques ou des manières de faire différentes. Observer, échanger permettent de s’inspirer et de trouver des affinités. Nous avons notre projet mais nous ne sommes pas seuls.
Nous sommes également en lien avec la ligue 45 qui accompagne les associations. L’objectif étant d’avoir des salariés rapidement, ils nous accompagnent sur la partie RH par exemple.
On peut dire que vous avez réussi, quelles sont pour vous les clés de votre réussite ?
C’est toi qui le dis ! Nous avons de la visibilité oui, cependant ma vraie réussite ce sera quand Cédric et Anne auront leurs premières fiches de paye à leurs noms.

Nous avançons à notre rythme mais je suis content d’être là où nous en sommes.
Je vois quatre clés à la réussite :
- L’équipe. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est aussi grâce à cette belle rencontre qui nous a rassemblé en 2020. Nous sommes complémentaires et arrivons à bien travailler ensemble.
- Un travail fourni sans relâche tous les jours ou presque. Nous avançons, petit pas par petit pas. Nous nous projetons, contactons des gens.
- Croire en son projet et se battre pour. D’ailleurs, une difficulté est d’avoir parfois l’impression d’être le seul à y croire quand nous en parlons autour de nous.
- Le réseau bien sûr.
Ma réussite, ce sera le jour où je serais heureux et fier d’avoir créé mon emploi.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Je suis fier d’être un Cycloposteur. Avec 26 000 Tonnes de biodéchets/ an, il faut mettre en place un schéma multiple de solutions, il y a de quoi faire. J’aimerais que les Cycloposteurs soient une des solutions pour les bioressources sur la Métropole Orléanaise. Il y aura d’ailleurs une obligation légale de tri à la source et de valorisation des biodéchets en 2023. Nous proposons dès aujourd’hui une solution qui n’existe pas et qui peut rendre service aux gens et à la planète. Les gens en parlent autour du nous, ça signifie qu’ils y croient. C’est une vraie fierté.
Quel premier pas vert conseilleriez-vous à un.e entrepreneur.e ?
D’agir à travers de l’entrepreneuriat éthique parce que c’est une belle expérience…même si la réalité des fin de mois existe. Il faut en être conscient. Je conseillerais quand même de ne pas se lancer sans filet mais il y a des structures d’accompagnement et des dispositifs qui existent.
C’est une belle aventure et il faut être acteur de sa vie. C’est une transition de vie qui me convient bien.
L’entrepreneuriat contribue au monde de demain. Le schéma de personnes avec le même boulot pendant 40 ans c’est terminé. Je crée chaque jour quelque chose qui me ressemble.
Quel sera votre prochain pas vert/vers demain ?
Au niveau personnel : avoir une maison, un jardin avec mon propre compost et mes légumes.
Au niveau des cycloposteurs : Devenir une Scop !
Maintenant, nous pouvons changer d’échelle puisque nous en avons les moyens matériels.
Lors du festival Hop Pop Hop nous avons réalisé un test de collecte, notre premier test grandeur nature ! 70Kg de biodéchets collectés qui ont fini dans le jardin de Cédric, faute de lieu de stockage. Ce test a prouvé que ça fonctionnait et qu’une demande existait.
Depuis, la Métropole a mis à notre disposition un terrain de 400m2, près du futur éco-quartier des Groues, pour stocker et laisser le compost se reposer. Nous pouvons maintenant nous projeter sur trois ou quatre ans, celui-ci étant disponible jusqu’à la fin du mandat. Nos premiers composteurs sont prévus très bientôt.
La mise à disposition du terrain était le Go que nous attendions pour changer d’échelle.
La prochaine étape est le démarchage de nouveaux clients, pour avoir un impact plus important, générer du chiffre d’affaires régulier et nous transformer en Scop.
Un autre pas vert serait de multiplier le nombre de bornes d’apport, passer à 8 ou 9 bornes pour que plus de particuliers puissent composter et agir à leur échelle.
Pour finir, pouvez-vous nous dire quel est votre petit plaisir honteux pas du tout écolo ?
(Rires) Cédric s’est prêté au jeu. Son petit plaisir est de chauffer le lit l’hiver avec son sèche-cheveux. Je vais en parler à ma femme car elle crée des bouillottes en noyau de cerise.
– Julien rougit – Pour moi, c’est de manger des kebabs en famille avec des emballages jetables.
Pour conclure, un grand merci à Anne et Cédric, et bien sûr Julien pour le temps accordé et pour leur engagement chaque jour à faire évoluer le regard sur les biodéchets (ou les bioressources si on fait du marketing), avec Les Cycloposteurs.
Pour en savoir plus, pour les contacter ou encore faire appel à leurs services :
– Leur page facebook : https://www.facebook.com/lescycloposteurs
– Leur page LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/les-cycloposteurs/
– Leur compte instagram : https://www.instagram.com/lescycloposteurs